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2. Les tumulus sénégambiens : diversité des rites funéraires

2.1 Les tumulus " Sereer "

Les tumulus actuels et subactuels en pays sereer font 1,5 à 2 m de haut contre 4 à 6 m pour les anciens tumulus.

Le défunt est déposé dans une fosse souterraine. Le creusement d'une chambre funéraire n'est pas systématique en pays sereer ; parfois le lit funéraire est déposé à même le sol. Ensuite l'ensemble est coiffé d'un toit de case en paille, édifié en dehors du village. Les cases sont ensuite recouvertes de sable ou de terre puisés autour de l'édifice. Ce qui forme un fossé circulaire peu profond et régulier. La hauteur de l'amas dépend de la fortune du disparu et de ses parents. Il était de coutume de faire don d'un boeuf à chaque village voisin participant à la construction.

Le mort est accompagné d'offrandes : provisions de nourriture et animaux ou humains sacrifiés. Sur ce point, de nombreux textes du XVIIe siècle parlent de ces sacrifices d'esclaves et de femmes. Les animaux sacrifiés (boeufs ou chiens) ne sont pas systématiquement enterrés avec le défunt, leurs crânes sont accrochés sur la toiture des cases des chefs de lignage.

Ce qui est intéressant pour un archéologue, c'est que les tumulus ne sont peut-être pas les symboles d'une société très hiérarchisée comme cela a souvent été dit. Au contraire, ils sont un facteur de cohésion sociale : les sacrifices et les offrandes montrent l'importance du personnage inhumé seulement dans un cadre de dons et contre-dons funéraires. Pour les périodes actuelles et subactuelles, la construction d'un gros tumulus n'est pas un phénomène coercitif.

Une ou plusieurs pierres sont dressées à l'Ouest du tumulus. Une fourche ou un piquet en bois est planté à l'Est du tumulus, une céramique est déposée au pied de cette structure (Fig 3). La poterie est percée d'un petit trou lors de son dépôt ; ceci pour éviter tout vol et pour marquer la propriété du défunt. Les pierres et les céramiques sont des autels familiaux servant pour les libations annuelles préparées par l'aîné de la famille.

Les populations sereer vivant actuellement dans le Sine et Saloum continuent à bâtir des tumulus (néanmoins cette tradition est progressivement abandonnée). Nous savons par des témoignages historiques que les Sereer du littoral se servaient de coquillages pour édifier leurs tumulus depuis le XVIe siècle au moins. En effet, la matière architecturale diffère selon les possibilités d'exploitation du milieu. Il est possible de voir sur la côte des tumulus mixtes faits de sable et de coquillages. La définition des grandes cultures archéologiques du premier millénaire après J.C. se fera donc à travers l'étude des vestiges matériels ; car les architectures et les positions des squelettes peuvent être très variables (Fig. 2) et correspondent à des entités sous-régionales.

Exemples de positions d'inhumations dans les tumulus funéraires sénégambiens Position courante dans les tumulus sereer actuels et subactuels; Rao-Nguiguéla (tumulus E et G); Soukouta (les chiffres indiquent des céramiques); Dionewar
Fig.2 Exemples de positions d'inhumations dans les tumulus funéraires sénégambiens Position courante dans les tumulus sereer actuels et subactuels; Rao-Nguiguéla (tumulus E et G); Soukouta (les chiffres indiquent des céramiques); Dionewar

Nous savons peu de choses sur l'archéologie historique de la période dite des temps Modernes. Pour obtenir une bonne chronologie relative de la céramique subactuelle en pays sereer, il faudrait multiplier les fouilles stratigraphiques des buttes à ordures puisque les sites d'habitats ne sont pas stratifiés.

Les habitations subactuelles sont difficiles à identifier et présentent peu de vestiges céramiques contrairement aux zones de rejet des déchets domestiques. Ces dernières se présentent sous la forme de tas d'ordures plus ou moins importants, appelés " Sind ".

Dès 1941, les buttes à ordures de Mboy-U-Gar attirent J. Joire (1955), mais il les délaisse au profit des tumulus de Rao-Nguiguéla. Pourtant ces dépôts consécutifs à une accumulation anthropique étaient supposés contemporains de Ndiadiane Ndiaye, fondateur du Grand Jolof et avaient par conséquent une valeur historique intrinsèque.

Les sites récents ou subactuels en pays sereer sont appelés " Gent ". L'identification des sites d'habitats associés aux tumulus est très difficile. Car les sites d'habitats, en dehors du Fouta-Toro, ne présentent pas d'accumulation stratigraphique. La nature des sites d'habitat en brousse ne se prête pas à une accumulation stratigraphique. Un village ne reste jamais plus de 50-100 ans au même endroit : les ordures formées par un village servent d'engrais pour les cultures, comme nous avons pû l'observer dans la région de Fatick. Le village se déplace et les vestiges de l'ancien habitat sont rapidement détruits par les labours. Heureusement la présence de baobabs peut permettre de repérer de loin les sites d'habitats subactuels ou récents. En effet, les cours et places des villages étaient et sont toujours occupées par ce type d'arbre qui procure ombre et fraîcheur.

Une prospection a été réalisée dans la région du Sine et Saloum du 22 au 26 février. Le but de la prospection était de mettre en évidence des sites d'habitats subactuels liés aux tumulus funéraires sereer abandonnés dans une zone non prospectée par S. et R. McIntosh (1988). Les prospections ont concerné les alentours des villages de Bélikaél, Tiombi, Khalambas, Tioupane, Gamboul Keur Matar, Ndalane, Bélél Gadiali, Khombol, Peul Ngadiari et Yenguélé. Tous ces sites sont situés entre Fatick et Kaolack, sauf le site de Yenguélé, au sud-ouest de Niakhar, fouillé par M. Lam en 1994.

M. Lam est le seul à avoir fouillé un tumulus subactuel à Yenguélé près de Niakhar dans la région de Fatick. Les villageois de Yenguélé exploitaient une termitière comme carrière d'argile pour la confection de briques. Ils furent très surpris d'y découvrir des squelettes humains et des perles. M. Lam, chercheur à l'I.F.A.N., entreprit des fouilles de sauvetage. Le tumulus de Yenguélé faisait 6 m de diamètre et 80 cm de haut. A 60 cm de profondeur du sommet, des fragments d'os longs, un crâne et deux mandibules furent exhumés. L'inhumation collective et simultanée des deux individus était accompagnée de matériel funéraire. Il y avait deux colliers en coquillages, un collier de perles en cornalines, une épingle à cheveux en cuivre et une pipe en terre cuite. Cette sépulture est dite subactuelle à cause de la petite taille du tumulus et par la présence d'une pipe entière en céramique.


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© Internet Archaeology http://intarch.ac.uk/journal/issue3/pradines/2pradines.html
Last updated: Thu Jul 31 1997