Les pipes africaines trouvées sur les sites de surface permettent de dater avec certitude ces sites de la période moderne dite subactuelle: XVIe-XXe siècle. Les pipes à fumer datent du XVIe siècle, des premiers contacts avec les Européens; le tabac est en effet introduit en Afrique Occidentale en 1591 ap.J.C. (mais les Africains ont pu fumer d'autres plantes auparavant). Les pipes européennes sont en argile blanche fine, elles diffèrent des pipes africaines en pâte grise avec un engobe rouge-orange ou noir (Fig. 5). Ces pipes cessent d'être utilisées en 1818 à cause de la défense de Cheikou Amadou de consommer du tabac, néanmoins cette interdiction ne devait pas être respectée partout.
Fig.5 Céramiques des villages subactuels, dits < gents > Ech. 1/2
G. Thilmans (1980b) a définit une famille de céramique subactuelle dans son ouvrage " La Protohistoire du Sénégal ". Cette famille est appelée toutcouleur en raison de sa similitude avec la céramique toucouleur actuelle et de son association avec des pipes à fumer. Les caractéristiques de cette céramique sont très floues : bord à arête externe crantée et/ou cordon rapporté avec des impressions digitées ou au bâtonnet. Les décors incisés ne sont pratiqués que sur le haut de la panse car ils fragilisent le vase.
Cependant le même type de céramique avait été attribué aux Sereer par B. Chavane en 1977 lors de la fouille d'un site subactuel à Guédé. D'après la tradition orale, le site était un ancien village sereer du XVe-XVIIe siècle. Le matériel recueilli est composé de tessons à lèvres plates parfois incisés sous le col, de fragments de pipes et d'une céramique entière : une écuelle.
Les formes et les décors des bords collectés par B.Diop (1985) en 1985 sur des Gent sereer ressemblent aux bords de la famille toucouleur. Ces tessons montrent des décors poinçonnés sous le col (Fig. 5) comme la famille toutcouleur de G.Thilmans.
Certains tessons présentent des perforations caractéristiques des couscoussières dont le fond est troué. Ces poteries sont utilisées pour la cuisson à la vapeur des aliments. Un tesson de bord sur le site de Tiombi est incisé de six traits verticaux (Fig. 6). Ces traces géométriques sont une signature de potière qui lui permet de reconnaître sa production lors d'une cuisson collective de céramiques. Les décors les plus courants sont les incisions dans la pâte fraiche en forme de ligne ou de point ; les impressions cordées et les impressions par basculement au peigne (Fig. 7). Les impressions sont localisées sur tout le corps du vase, alors que les incisions ponctuelles sont placées sous la lèvre ou le bord.
Fig.6 Céramiques des villages subactuels, dits < gents > Ech. 1/2
Fig.7 Pot de Diakhité (SEN 76.17), décor à impressions cordées et pot
de Nabadji (SEN 76.18), décor à impressions par basculement au peigne (up)Ech. 1/3 Gent de Vendou Siemé (SEN 78.135) : tessons de bords (lèvres) Ech. 1/2
En attendant une étude approfondie, il est plus juste d'attribuer ce type de céramique simplement aux sites subactuels. En effet, la famille toucouleur définie par G.Thilmans existe t-elle ou s'agit-il de céramique subactuelle non attribuable à une ethnie ? Peut-on parler d'une uniformisation de la culture céramique au XIXe siècle à cause de l'extension de l'empire peul qui allait du Fouta-Toro au Fouta-Djalon? Enfin les Toucouleurs et les Sereer modernes partagent-ils les mêmes traditions céramiques?
La région des mégalithes à l'Est du Sine et Saloum (dans le département de Nioro-du-Rip) est caractérisée par une céramique à fond rond avec une caréne bien marquée sur le haut de la panse.
Fig.8 La région des mégalithes à l'Est du Sine et Saloum (dans le département de Nioro-du-Rip) est caractérisée par une céramique à fond rond avec une caréne bien marquée sur le haut de la panse
Ces jattes carénées sont présentes dans les cercles mégalithiques, mais aussi dans les tumulus associés aux cercles.
Un important dépôt de jattes carénées fût trouvé à Sine-Ngayène. Il s'agit de quatorze poteries gisant à faible profondeur (50-60 cm) et tournées l'ouverture vers le bas. Elles furent trouvées entre les monolithes du cercle n°25 et ceux de la ligne frontale. Les poteries entières, dont le fond était artificiellement percé, sont en relation avec le monolithe de la structure frontale : au pied ou derrière. Ce rite funéraire rappelle les dépôts de céramiques percées au pied des piquets de libation situés à l'Est de chaque tumulus sereer actuel ou subactuel.
Les datations 14C proposées pour la céramique carénée s'échelonnent essentiellement du VIIe au XIIIe siècle (Sine-Ngayène : 960-1200 ap. J.-C. ; Wassu : 680-960 ap. J.-C. et Kodiam : 600-780 ap. J.-C).
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http://intarch.ac.uk/journal/issue3/pradines/313pradines.html
Last updated: Thu Jul 31 1997