Le seul tumulus pré-sereer ayant fait l'objet de fouilles archéologiques et situé entre la zone des amas coquilliers et la zone mégalithique est le tumulus de Ndalane. Actuellement, nous ne savons pas si ce type de tumulus a des liens avec ceux du delta du Saloum ou avec ceux de la zone mégalithique. Par contre, la parenté avec les tumulus sereer ne fait aucun doute. Ces grands tumulus sont antérieurs au peuplement sereer et sont attribués par les Sereer eux-mêmes aux Sosé. Ces édifices occupent une place particulière au sein des tumulus sénégambiens puisqu'ils sont situés entre les tumulus coquilliers à l'Ouest, les tumulus de la zone mégalithique à l'Est et les grands tumulus du Nord comme Tiékène. De plus ces tumulus recoupent l'aire d'extension actuelle des tumulus sereer.
La recherche archéologique devrait donc s'orienter vers ce type de tumulus afin de comprendre les interactions entre les différentes structures funéraires. S. et R. McIntosh (1992 et 1993) englobent, dans leur étude sur la céramique des tumulus Sénégambiens, le site de Ndalane dans la région stylistique de Mbacké. Ils valident ainsi leur datation des tumulus centraux de 700 à 1100 ap.J.C., car le site de Ndalane est daté de 793+-119 ap.J.C.
La région des mégalithes est située autour des affluents de la rive Nord du fleuve Gambie. La roche latéritique affleurante dans le secteur de Nioro-du-Rip (Sine et Saloum) a permis l'édification de ces monuments funéraires en pierre qui diffèrent des tumulus de sable, de terre ou de coquilles observés dans le reste de la Sénégambie. Toutefois certains sites occidentaux de la zone des mégalithes comprennent les deux types de monuments. Dans ces sites, les tumulus sont toujours situés à la périphérie des cercles mégalithiques. Les tumulus de la zone mégalithique possèdent souvent une pierre frontale à l'Est, comme le tumulus de Kaffrine fouillé par H. Bessac (1964) en 1951 ou celui de Diam-Diam fouillé par R. Mauny en 1956.
Les pierres frontales à l'Est des structures funéraires circulaires forment un lien entre les cercles mégalithiques et les tumulus sereer. De plus la découverte de poteries renversées et percées d'un trou au pied des monolithes de Sine-Ngayène confirme ce lien entre les tumulus (sereer) et les mégalithes. Une influence culturelle a pu se produire entre les deux régions proches. Mais l'hypothèse d'une paternité d'une région sur l'autre n'est pas à rejeter.
Dans la partie orientale du Sine et Saloum, l'équipe d'Alain Gallay (1982) réalisa en 1981 la fouille du tumulus de Mbolop-Tobé dans la zone mégalithique (proche du village de Santhiou-Kohel). Le tumulus fouillé faisait une cinquantaine de centimètres de haut, flanqué de quatre pierres frontales alignées. Il a livré deux squelettes inhumés simultanément, sans traces de traumatisme et sans mobilier funéraire.
Le tumulus funéraire de Mbolop-Tobé contenait aussi le squelette d'un chien. La tête du chien décapité était placée sous les pieds de l'individu n°2. C'est un élément commun aux tumulus funéraires du Sine et Saloum. Le sacrifice de chiens était pratiqué dans la zone mégalithique ainsi un squelette de chien décapité fut trouvé dans le cercle n°28 de Sine-Ngayène. Des squelettes de chiens en connexion anatomique ont été aussi exhumés du tumulus coquillier B de Dioron-Boumak. Les animaux ne portaient aucune trace de découpe de boucherie ou de traumatisme. Cette pratique de sacrifice d'animaux est encore attestée par des textes modernes relatifs aux rites funéraires sereer.
M. Dupire et C. Becker ont appris par la tradition orale que certains tumulus étaient réservés aux chiens comme à Mbafaye ou à Peul Lamassas. Ces tumulus atteignent parfois une hauteur de 4 à 5 mètres. D'après M. Dupire, il existe au moins deux explications sur les tombes de chiens dans les mythes sereer. Dans un passé lointain, le chien est la première expérience de la mort rencontrée par les hommes. La mort d'un chien rappelle ainsi la fragilité de l'existence humaine. Les funérailles sereer sont l'occasion d'échanger des cadeaux et de sacrifier des boeufs, des chiens ou des poulets. Ces sacrifices sont censés rappeler le mythe, mais ils sont aussi le reflet de la fortune du défunt et de son importance sociale.
Une autre signification de la tombe de chien est plus péjorative : les populations qui ont érigé les tumulus sont traitées de mangeurs de chiens par l'ethnie en place actuellement (les groupes sereer). Les sereer ne consomment pas de chiens, être un mangeur de chien est donc : soit une insulte, soit un souvenir des habitudes alimentaires des populations en place avant eux.
Une des hypothèses d'Alain Gallay est que les nouveaux occupants ont bâti des tumulus à but funéraire et sacrificiel autour des anciens lieux de culte. Mais la céramique associée aux cercles et aux tumulus est la même. D'après les dates 14C que nous possédons les cercles et les tumulus ont été bâtis à la même période, entre le VIIIe et le XIe siècle. Dès lors n'y a-t-il pas eu plutôt une opposition fonctionnelle entre les cercles, consacrés aux sacrifices, et les tumulus pour les inhumations accompagnées de quelques sacrifices? En d'autres termes, ces structures funéraires sont-elles le fruit de populations contemporaines mais distinctes ou d'une acculturation progressive?
Enfin en dehors du Sine et Saloum, de grands ensembles de tumulus sont signalés dans le Nord de la Sénégambie (principalement dans les régions du Bawol, du Djolof et du Waalo). Les groupes les mieux connus sont ceux de Rao-Nguigéla et Rao-Massar fouillés par J. Joire en 1941-42. Ces tumulus contenaient des squelettes très abîmés, orientés la tête au Nord-est et les pieds au Sud-ouest. Ils étaient couchés sur le dos, le visage tourné vers l'Ouest. Le site de Tiékène, dans le Bawol, est aussi très célèbre pour la taille et le nombre de ses tumulus (un diamètre pour certains supérieur à 60 m). Les tumulus du Waalo sont caractérisés par une céramique plus tardive (voir ci-dessous). Les sites de Rao-Nguiguéla et Massar présentent du mobilier très rare, concentré aux mains de quelques personnes. L'or, par exemple, est un matériau envié qui devient vite à la mode et que seule la classe dirigeante peut s'offrir le luxe de porter. Ces tumulus funéraires exceptionnels sont les témoins d'un début d'étatisation de la région du Waalo. Par une approche néo-marxiste on peut reconstituer le schéma suivant : les chefs du Waalo contrôlent les flux de marchandises afin de dégager un surplus de production et d'exercer une domination locale. Le commerce entraîne une concentration des richesses et une centralisation du pouvoir. Ce pouvoir politique était autrefois situé dans la région du Fouta-Toro, entre le Ier et le XIe siècle.
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http://intarch.ac.uk/journal/issue3/pradines/23pradines.html
Last updated: Thu Jul 31 1997