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7. 4. Le rituel funéraire

7. 4. 1. Pratique dépositionnelle et hiérarchisation sociale au sein des nécropoles

Sans préjuger des résultats qu'apporteront les études en cours, l'on peut dire dès maintenant que nous assistons dans ces mêmes années à une modification assez importante des coutumes funéraires autochtones. Le trait principal est celui d'une réduction progressive du nombre d'offrandes secondaires, accompagné d'une certaine standardisation de celles-ci. L'indication du statut social du défunt passera dorénavant davantage par l'aspect extérieur de la tombe (inscription funéraire, monument etc) que par l'inventaire des offrandes primaires respectivement secondaires.

En témoigne p. ex. la disparition, au cours de la période claudienne, des tombes dites aristocratiques et du rituel particulier qui les caractérise.

Ce phénomène s'inscrit d'une part dans un processus de romanisation observable sur une échelle géographique bien plus large et qui se manifeste également dans d'autres domaines comme la culture matérielle et l'architecture. Il semble cependant être également lié à la modification des hiérarchies sociales héritées de l'âge du fer. Pour la Cité des Trévires, cette évolution connaîtra son point culminant avec les événements de la révolte des Bataves en 69/70 ap. J.-C. et les mesures prises par l'administration romaine après sa répression, mesures qui se solderont par la disparition d'une part non négligeable des anciennes élites.

7. 4. 2. Les différents modes cinéraires et les rapports entre incinération et inhumation

Pour une grande partie des nécropoles de notre banque de données, les informations sont trop lacunaires pour déterminer avec précision les modes cinéraires utilisés. On peut cependant affirmer avec certitude que les busta sont extrêmement rares, un seul cas attesté avec certitude étant connu jusqu'à aujourd'hui ( Nospelt-Tonn, Thill, 1968). Les busta sont des tombes où l'incinération eut lieu directement au-dessus de la tombe, donc le corps fut incinéré et mis en tombe au même endroit.

Quant à la différenciation des autres modes cinéraires, elle est possible seulement pour un site, celui de Septfontaines-Dëckt. Dans la nécropole de Septfontaines, 87 tombes ne contenaient pas de restes du bucher funéraire, alors que 33 tombes en renfermaient.

La base documentaire est donc bien trop petite pour en déduire des conclusions d'ordre régional. A Septfontaines, les tombes contenant des restes du bûcher, de toute façon moins nombreuses, semblent cependant presque toutes postérieures à l'époque flavienne.

Tombe cinéraire in situ (un grand
 vaisseau retourné couvre l'urne)
Fig. 7 Tombe cinéraire in situ (un grand vaisseau retourné couvre l'urne) Dernier tiers du 2ème siècle au premier tiers du 3ème siècle aprè J.-C., Mamer-Tossenburg

En ce qui concerne le rapport entre incinération et inhumation, il faut d'abord relever que sur un total de 228 sites luxembourgeois ayant livré des tombes gallo-romaines seulement 28 sites ( c.-à-d. 12%) présentent des inhumations. Il est donc clair que l'incinération reste tout au long des 1er, 2e et 3e siècles le rite largement dominant. Toutefois, ceci n'exclut pas la possibilité de rencontrer des inhumations tout au long de la période romaine ( Echternach: première moitié du 1er siècle; Ellange: fin 1er-début 2e siècle; Stadtbredimus: 1er et 2e siècle; Septfontaines: 2e siècle; Dalheim: 3e siècle; Junglinster: 3e siècle).

Il faut cependant souligner qu'il s'agit alors soit de tombes isolées, soit d'inhumations isolées au sein de nécropoles à incinérations plus larges.

Pour les sites du 4e siècle, le rapport entre inhumation et incinération se trouve cependant inversé. C'est maintenant l'incinération qui devient clairement minoritaire, sans pour autant disparaître tout à fait. En tout, 27 sites ont livré des tombes du 4e siècle, nous connaissons le rite funéraire pour 20 d'entre eux:

nécropoles occupées au 4e s. nombrepourcentage
uniquement incinérations6 30 %
uniquement inhumations12 60 %
incinérations et inhumations2 10 %
Table 3. incinération et inhumation dans les nécropoles du 4e siècle au Grand-Duché de Luxembourg

D'un point de vue chronologique, deux résultats semblent particulirèrement frappants: le faible taux de continuité des nécropoles du 3e siècle vers le 4e siècle et le petit nombre de nécropoles rurales du 4e siècle. Tous deux peuvent être interprétés comme signes d'une crise majeure affectant les secteurs ruraux de la Cité des Trévires dans la deuxième moitié du 3e siècle, suivi d'un déclin continu de l'habitat rural tout au long du 4e siècle. Ces observations s'inscrivent dans le cadre de la crise générale de l'Empire dans la deuxième moitié du 3e siècle (guerres civiles, invasions barbares) et de ses conséquences pour l'évolution militaire, économique et sociale des provinces du nord-ouest. Des résultats récents obtenus dans d'autres domaines (p.ex. l'analyse de l'évolution de l'habitat rural) confirment cette vue.

A l'état actuel de nos travaux, il est cependant trop tôt pour vouloir tirer des conclusions définitives. Comme nous l'avions déjà indiqué dans l'introduction, nous n'en sommes qu'au début de l'analyse du matériel archéologique provenant des différents sites. Seulement quand celle-ci aura été menée à bien sera-t-il possible d'utiliser dans tout leur potentiel les tombes et les nécropoles gallo-romaines du Grand-Duché de Luxembourg comme sources pour l'histoire sociale, économique, culturelle et religieuse des provinces du nord-ouest de l'Empire romain. Notre contribution ne visait qu'à montrer le grand potentiel de ce type de sources pour les recherches futures.


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© Internet Archaeology http://intarch.ac.uk/journal/issue4/polferf/74polferf.html
Last updated: Tue Dec 09 1997